Publié le 23 juin 2013
Après les menaces de mort par téléphone et par mail, les locaux de l’un des rares avocats à défendre les personnes LGBT ont été visités le 16 juin dernier par des inconnus. Emportant avec eux, ordinateur portable, clés USB, passeport et autres effets professionnels et confidentiels
Au niveau de la grille de la porte centrale, le cadenas a été coupé et la serrure forcée. La porte centrale, elle-même cassée. Les bureaux des collaborateurs entièrement visités. Au niveau du bureau même de Michel Togué, avocat au Barreau du Cameroun et défenseur des droits humains, la porte a été complètement forcée. Le contenu du bureau remis sens dessus-dessous.
Dans l’antichambre à côté de cette pièce, tout a été fouillé de fond en comble. Des documents confidentiels et archives. Des effets appartenant à un ami (chemises, parfums, sacs à main, etc.) emportés. Dans les armoires, des tiroirs encore ouverts. Le contenu est éparpillé. Dans l’un de ces tiroirs, l’avocat déclare avoir perdu son passeport, bien qu’il ait un voyage programmé pour le 22 juin 2013.
Juste à côté de ce titre de voyage, se trouvait pourtant une enveloppe contenant une somme de près 1 300 Euros. Celle-ci a été juste ouverte et relaissée à sa place. Ce 19 juin, lors de notre passage, Me Togue avait toujours ladite enveloppe et son contenu avec lui.
Toujours dans le lot des effets volés, outre des choses personnelles et une tirelire de 3kg, l’avocat déclare avoir perdu un ordinateur portable et deux clés USB contenant des documents professionnels et confidentiels.
Selon Me Togue, les faits se sont passés le dimanche 16 juin dans l’après-midi avant 18 heures, heure d’arrivée du gardien de l’immeuble. Ce jour-là, il a été au bureau vers 12 heures. « Ce n’est pas un simple cambriolage. Il est évident que c’est mon engagement dans la défense des droits humains qui me vaut ce genre de visite inopinée puisque récemment l’on n’est pas passé par quatre chemins pour faire des menaces personnelles subséquents à mon travail dans la défense des personnes LGBT », continue le militant des droits de l’homme, qui avoue être très perturbé par cette histoire.
« Pour l’heure, nous avons fait appel à la police qui a fait son constat. Des photos du cambriolage leur seront remis pour nourrir le dossier. Une enquête est ouverte. Pour le reste, les serrures cassées ont été réparées », déclare Michel Togue.
Cependant, téméraire et obstiné, le défenseur des homos n’envisage ni de déménager, ni d’abandonner le combat.
« Car je pense que ce n’est pas en intimidant ou en cherchant à bâillonner les défenseurs qu’on peut résoudre les problèmes dans un Etat émergent comme le nôtre. Un Etat de droit digne de ce nom doit composer avec le respect des droits humains en général et par ricochet avec celui des défenseurs. Ces actes sont purement lâches et abjects », conclue l’avocat.
A ce jour, Me Togue travaille sur une dizaine d’affaires traitant de l’homosexualité. Certains ont été condamnés à un emprisonnement ferme : cas de Diane à la peine maximale (5 ans) pour homosexualité au Cameroun et Clarisse et Jeanine à 9 mois. D’autres libérés sous caution, comme Benoit à Kribi qui va comparaitre libre. Roger, Jonas et Franky qui vont passer à la Cour Suprême.
Menaces de mort
En octobre 2012, Michel Togue a été victime d’actes d’intimidation par téléphone ou par mail menaçant l’enlèvement de ses enfants et le traitant de « pédé ».
L’un des messages : « si tu n’abandonnes pas la défense des personnes homosexuelles, nous allons enlever tes enfants, nous les connaissons très bien ». Son épouse a reçu un message allant dans le même sens « choisis l’enfant que tu aimes le plus, nous allons le transformer en PD, comme ça tu comprendras ce que c’est de les défendre ».
Ces menaces ont contraint le défenseur des droits humains à envoyer sa famille en exil. Lui-même est resté au Cameroun. Pour poursuivre le combat. Au vu des actes du 16 juin, il s’avère encore bien long et épineux.
— Eric O. LEMBEMBE
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